Guide de Bonnes Pratiques à Destination des Travailleurs Sociaux en AEMO
- Les Petits Invincibles

- 1 août
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 sept.
Face aux Situations de Suspicion d’Inceste ou de Violences Sexuelles Intrafamiliales
Préambule
Dans certaines situations de suspicion d’inceste, les procédures judiciaires peuvent être classées sans suite, faute de preuves suffisantes. Pourtant, une mesure d’AEMO (Action Éducative en Milieu Ouvert) peut être prononcée par le juge des enfants, souvent sous le motif d’un "conflit parental", notamment lorsque les soupçons concernent l’un des parents.
Dans ce contexte, quel peut être le rôle d’un travailleur social ?Il ne s’agit ni de "croire" ni de "ne pas croire", ni de mener une enquête judiciaire. Le rôle du professionnel est avant tout de sécuriser et apaiser, en prenant en compte les vulnérabilités de l’enfant et les tensions familiales. Un cadre clair et protecteur doit être posé pour garantir la sécurité de l’enfant. Toute nouvelle révélation ou tout élément préoccupant doit impérativement être transmis au juge en charge du dossier.
Objectif du Guide
Proposer des repères éthiques, pratiques et professionnels pour agir de manière protectrice, responsable et adaptée face à des suspicions d’inceste ou de violences sexuelles intrafamiliales dans le cadre d’une mesure d’AEMO.
1. Se former spécifiquement aux violences sexuelles intrafamiliales
Comprendre les effets du traumatisme, de l’emprise et de la dissociation chez l’enfant.
Reconnaître que le silence, les propos confus ou les rétractations ne signifient pas l’absence de violences.
Déconstruire les idées reçues sur les fausses allégations, extrêmement rares : les enfants ne mentent pas spontanément sur ces sujets.
Ressources conseillées :
Mémoire Traumatique et Victimologie – Dr Muriel Salmona : memoiretraumatique.org
Emmanuelle Piet, Christiane Vienne, Judith Lewis Herman
D. Dussy, Le berceau des dominations – playlist YouTube
Formations CNFPT : Repérer et accompagner les enfants victimes de violences sexuelles
HAS, CNAPE, ONPE, CIIVISE, CRIAVS Montpellier :
2. Éviter la symétrisation des postures parentales
Distinguer clairement "conflit parental" et "situation de violences".
Respecter la parole du parent protecteur :
C’est souvent le seul adulte qui agit concrètement pour protéger l’enfant.
Éviter les jugements réflexes : « surprotecteur », « parent anxieux », « fusionnel », « conflictuel ».
Chercher à comprendre ses peurs : sont-elles fondées sur des éléments précis?
Un parent protecteur n’est pas en conflit, il agit dans une dynamique de protection.
L’objectivité professionnelle ne signifie pas neutralité morale.
L’objectif n’est pas la paix familiale à tout prix, mais bien la sécurité de l’enfant.
Un parent qui ne manifeste aucune inquiétude face à des signes préoccupants doit interroger le professionnel.
Encourager chaque parent à bénéficier d’un accompagnement psychologique, pour les aider à faire face à la complexité de la situation.
3. Prendre en compte le traumatisme de l’enfant
Ne pas attendre une parole claire, logique ou chronologique de la part d’un enfant traumatisé.
Le mutisme, les cauchemars, les régressions, les comportements sexuels inadaptés sont des signaux d’alerte.
L’absence de parole ne signifie pas absence de vécu : savoir lire les langages non verbaux du traumatisme.
Encourager l’enfant à exprimer ses émotions et développer sa pensée critique.
Expliquer clairement ce qui est normal / anormal, autorisé / interdit en matière de rapport au corps.
Vérifier qu’un suivi psychologique ou psychomoteur est en place (notamment pour les plus jeunes). Sinon, agir rapidement pour le mettre en œuvre.
4. Travailler en lien avec les professionnels de santé
Ne jamais minimiser un signalement émis par un médecin scolaire, un CMP, un pédopsychiatre, etc.
Favoriser la coordination en réseau : ne pas rester seul face à une situation aussi grave.
5. Documenter de façon précise et rigoureuse
Toute inquiétude, toute parole d’enfant ou du parent protecteur doit être consignée sans filtre.
Éviter les formulations floues : « conflit », « parole à vérifier », « malaise diffus ».
Préférer des formulations factuelles :
« L’enfant exprime que… »
« Le parent rapporte que… »
« Comportement observé :… »
6. Poser un cadre clair et protecteur pour l’enfant
L’enfant dort seul dans son lit.
La douche se prend seul, sans la présence d’un adulte.
Personne n’a le droit de toucher ses parties intimes, et il n’a pas le droit de toucher celles des autres.
Il peut explorer son corps dans l’intimité de sa chambre, de façon douce et non douloureuse.
En cas de blessure, il est nécessaire de consulter un médecin.
Si l’enfant manifeste des pulsions, proposer des alternatives comme le dessin ou l’écriture.
👉 Tout passage à l’acte doit être clairement interdit.
📌 Rappels déontologiques essentiels
Devoir de protection : l’intérêt supérieur de l’enfant prime sur toute autre considération.
Devoir d’alerte : tout soupçon de violence sexuelle doit faire l’objet d’un signalement, y compris si une procédure a été classée.
Responsabilité morale : ne rien faire, c’est parfois exposer l’enfant à de nouvelles violences.
Pour aller plus loin
Pour les travailleurs sociaux souhaitant approfondir leur posture, voici des conseils complémentaires :
🔹 Prendre soin de soi
Ces situations sont éprouvantes : supervision, analyse de pratique, soutien entre pairs sont essentiels.
Un professionnel épuisé ou isolé peut involontairement minimiser ou éviter l’intervention nécessaire.
🔹 Clarifier son rôle
Le travailleur social n’enquête pas : il écoute, sécurise, alerte.
Le doute raisonnable suffit pour signaler, même sans preuve formelle.
Expliquer son rôle aux familles permet de poser un cadre clair.
🔹 Penser à la fratrie
Les frères et sœurs peuvent aussi être victimes, témoins ou exposés.
Être attentif, observer, interroger, protéger.
🔹 Sécuriser les temps sensibles
Vigilance accrue lors des droits de visite ou gardes alternées : transitions, trajets, retraits d’école…
Envisager des visites médiatisées ou encadrées si nécessaire.
🔹 Mobiliser l’environnement protecteur
Identifier les adultes ressources : enseignant.e.s, médecin, proches fiables…
Encourager des activités valorisantes : sport, art, nature…
🔹 Utiliser des supports adaptés
Outils d’expression : dessins, jeux, marionnettes, lectures.
Livres conseillés :
“Zouk la petite sorcière”
“On m’a fait mal au corps”
“Les mots du silence”
“Le loup” – Mai Lan
Plus d'info : contact@lespetitsinvincibles.org
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